Fast Prototyping : 3 règles d’Or de GoogleX
Cet article est le résumé de la conférence TED Ed de Tom Chi, Head of Experience pour Google X entre 2010 et 2012.
Baptisé le « département Science-Fiction » de la firme de Moutainview, Google X est à l’origine des fameuses Google Glass, qui permettent d’insérer des données numériques dans un champs de vision humain par simple commande vocale.
Si les possibilités des Google Glass sont une source prodigieuse d’émerveillement, la révélation de Tom Chi provoque également une stupeur incrédule : pour fabriquer la première version des Google Glass, l’équipe Google X a eu besoin d’une seule journée de travail.
Oui, une journée de travail de huit heures. C’est tout.
Règle #1 du prototypage selon Google X : Trouvez le chemin le plus rapide vers l’expérience que vous voulez produire.
Bien sur il y a une astuce : la V1 des Google Glass ressemblait à ça :
L’association improbable d’un pico projecteur, d’un cintre et d’une pochette plastique transparente montée sur une perche de plexiglas. Le testeur pouvait ainsi projeter une image devant lui sans altérer son champs de vision, et en continuant à se mouvoir dans l’espace.
Rudimentaire. Oui, et alors ? L’essentiel de l’expérience des Google Glass est quand même déjà là !
Grâce à ce montage, l’équipe a pu tester un grand nombre d’usages potentiels, et se faire une idée rapide et précise des sensations d’un utilisateur manipulant des données numériques dans un monde physique.
Elle a également pu constater les limites de la navigation sans souris, clavier ou touchpad, et enchaîner sur le test d’un second dispositif, visant à interagir avec les données par le seul usage des mains, tel Tom Cruise dans Minority Report.
Et pour ça, Google X a prototypé un autre dispositif… En 45 minutes !
Règle #2 du prototypage selon Google X : Faire est la meilleure façon de réfléchir.
Un tableau blanc, deux bracelets, du fil de pêche et deux baguettes chinoises plus tard, le valeureux utilisateur de la V1 des Google Glass pouvait désormais contrôler sa navigation en bougeant les bras.
Ses mouvements avaient pour effet de tirer sur des câbles, lesquels actionnaient à leur tour des leviers qui appuyaient sur une bête télécommande, semblable à celles utilisées pendant les présentations powerpoint.
Cette mise en situation, ou bodystorming, a permis à l’équipe Google X de tester un ensemble conséquent d’interactions manuelles avec l’information numérique, et d’abandonner très rapidement cette piste !
En effet, comme l’explique Tom Chi, cette simulation d’expérience a très vite révélé un ensemble de contraintes non imaginées à l’origine, notamment l’inconfort et la fatigue liés aux manipulations répétitives, ou bien que bouger les bras devant vous en permanence n’allait pas vous aider à vous faire des amis dans le métro !
Ces enseignements rapides et fondamentaux auraient émergé bien plus tard si l’équipe s’était simplement contentée de « penser » le problème sans le matérialiser.
Tester immédiatement, se mettre en situation, permet de confronter ses idées au terrain rapidement, et d’identifier au plus tôt les sources de désagréments… ou d’opportunités !
Règle #3 du prototypage selon Google X : Utilisez des matériaux aussi flexibles que votre pensée afin d’apprendre beaucoup, et vite.
Une fois les principes d’expérience et de navigation testés, Google X s’est demandé comment implémenter le dispositif afin que l’utilisateur puisse s’en servir aisément.
Un nombre impressionnant de projets similaires avaient déjà vu le jour, et la quasi-totalité d’entre eux utilisaient des casques ou bien des « lunettes-écrans » de taille imposante et de poids redoutable.
Afin de ne pas recréer ces aberrations ergonomiques, l’équipe Google X a d’abord minimisé au possible le poids des composants électroniques nécessaires pour vivre l’expérience, puis s’est demandé comment le répartir sur de réelles montures de lunettes, sans altérer le confort de l’utilisateur.
Pour ce faire Tom Chi a pesé quelques morceaux de clay afin d’obtenir un poids total égal au poids des composants électroniques.
Il a ensuite emballé ces morceaux dans du papier, pour ne pas se tacher, et les a scotché à divers endroits d’une monture de lunettes, afin de comparer lui même l’inconfort provoqué par les différentes configurations.
L’enseignement tiré de cette expérience est aussi drôle que pratique : vos oreilles peuvent supporter un poids bien plus conséquent que ne le peut votre nez. C’est cette observation à la portée d’un enfant qui explique que l’essentiel de la masse des Google Glass soit concentré sur l’arrière des branches.
Le bénéfice ainsi obtenu est double : la sensation de poids perçu est moindre, et en plus, se servant de vos oreilles comme pivots, les branches agissent comme des leviers et soulèvent les Google Glass afin qu’elles reposent encore moins sur votre nez, améliorant votre confort ! Et c’est un truc qui marche pour toutes les lunettes 😉
Le prototypage rapide : une porte vers l’infinité de ce qui reste à découvrir.
Tom Chi conclut son propos par un point essentiel : tout aussi investi que vous soyez dans l’apprentissage « classique » de connaissances formalisées, votre savoir ne dépassera jamais celui de l’espèce humaine.
Au delà de cette connaissance, essentielle et nécessaire pour partir explorer le monde, vous êtes confronté à un autre espace, potentiellement infini celui là : celui de l’apprentissage expansif.
Dans cet espace, vous testez, vous essayez, vous créez. Vous découvrez de nouvelles choses pour le compte de l’humanité, et surtout, vous étendez à votre tour la somme de son savoir. De consommateur de connaissances, vous devenez producteur de savoirs.
Les possibilités offertes par cet apprentissage sont illimitées, et elles sont à la porté de toutes et tous, pour peu que l’on soit à la recherche de quelque chose de surprenant, et armé de papier, de ciseaux, de scotch et de feutres.
Et vous, avez-vous déjà donné forme à vos idées en utilisant les règles du fast prototyping ?
Un grand merci à Diane Saint-Réquier (aka @lactualaloupe) pour les relectures et corrections.
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